Chapitre trois (Suite H)
L’exploitation de la Centrale fut marquée par certains aléas techniques et de deux accidents de travail corporels, dont un qui fut fatal à un agent d’une entreprise extérieure, qui se trouvait au mauvais endroit à un mauvais moment.
En effet, ce pauvre agent trouva une mort instantanée suite à la chute soudaine du rideau métallique contrôlant l’accès de la travée de manutention des deux premiers groupes. Cet incident survenu bien après la mise en service des groupes, était dû à un mauvais montage d’un câble mécanique de soutien associé au mécanisme d’ouverture/fermeture de ce rideau métallique. J’étais ce jour-là personnellement en ce lieu précis, moins d’une heure avant l’accident, en compagnie du Ministre Mahen Uchanah qui effectuait une visite à la Centrale, et j’appris cette triste nouvelle en regagnant mon bureau à Curepipe.
L’autre accident corporel notable était une explosion dans le carter du moteur no 1, survenu en Septembre 2008, et impliquait le personnel d’exploitation de la Centrale, incident grave qui a failli couter la vie a messieurs Clency Bibi, chef de quart, Benjamin Moutou, son adjoint, et Bernard Raffa rondier.
Cet accident avait pour origine une fuite d’eau dans la chambre de combustion du premier cylindre qui malheureusement n’avait pas été décelée par les responsables d’exploitation et le personnel de quart. Ce moteur n’avait pas fonctionné depuis deux jours, et constatant une baisse du niveau d’eau dans le réservoir d’expansion moteur par alarme, l’appoint d’eau fut effectué systématiquement à plusieurs reprises sans la recherche de la cause. Au démarrage du moteur après deux jours, le personnel de quart était notifié par une alarme, d’une anomalie par un instrument de surveillance de brouillard huile dans le carter moteur. Après plusieurs années d’exploitation, c’était la toute première fois qu’une telle anomalie était constatée. Le moteur ne fut pas arrêté, et les trois agents s’étaient déplacés dans la salle des machines tout près du moteur pour essayer sans doute de constater de visu tout problème éventuel. C’est à ce moment qu’eut lieu une terrible explosion dans le carter avec projection d’huile chaude et une onde de choc considérable qui avait même déformée une lourde porte métallique blindée donnant accès a la salle des machines, à plusieurs dizaines de mètres du lieu de l’explosion. La salle des machines fut envahie par un épais brouillard d’huile, et les trois agents étaient brulés à des degrés divers, n’étant pas ensemble dans le périmètre du moteur. Les trois blessés furent dirigés vers l’hôpital civil à Port-Louis dans un état second.
Je fus informé par téléphone à mon bureau dans les minutes suivant ce terrible accident, et pris la décision de me rendre è Fort-George immédiatement. Pendant ce temps, les blessés étaient transférés à l’unité des soins pour grands brulés à l’hôpital Candos a Quatre-Bornes, ou j’avais pu les visiter peu après.
Le responsable de cette unité de soins, le Docteur Ganessee, après un examen des blessés, me confia que les blessés étaient atteints à des degrés divers de brulures, mais que leur état était grave. L’état de Monsieur Bibi était particulièrement grave, car il était brulé au troisième degré et probablement il était resté plus longtemps, et presque inconscient dans une atmosphère particulièrement dense en gazes brulés. Ses chances de survie selon le médecin étaient quasiment nulles vu son état, et les compétences de cette unité de soins.
Dans cette situation, j’avais eu l’idée qu’un transfert à l’unité de soins grands brulés de l’hôpital Bellepierre à la Réunion pourrait peut-être lui sauver la vie. Je pris donc l’initiative de téléphoner au service d’urgence de cet hôpital. Mon interlocuteur a ce service était le Docteur Rojoa, un mauricien, dont le frère avait travaillé dans le passé au CEB, et que j’avais personnellement rencontré à Curepipe quelques années auparavant avec Monsieur Paya, mon adjoint. Ce médecin urgentiste m’indiqua toutes les démarches administratives nécessaires que j’avais immédiatement entamées. Toute la famille du blessé, et les collègues du Département Production, furent mis à contribution pour cette opération délicate de transfert du blessé vers Bellepierre. Le Docteur Ganessee était d’accord pour déléguer un médecin de son service pour accompagner le blessé à la Réunion.
Arrivé à la Réunion, Mr Bibi fut mis en isolement dans un coma artificiel pendant plusieurs semaines et les soins appropriés lui furent prodigués dans cet unité de soins très spécialisée sans doute la meilleure dans la région de l’Océan Indien. Au mois de Décembre je pris la décision d’une visite privée a cet hôpital pour la visite privée pour le voir. Je me souviens de l’avoir rencontré alors qu’il était dans une chaise roulante dans un couloir de l’hôpital, méconnaissable, couvert de bandages sur tout le corps, mais en vie. Je ne fus toutefois pas très bien accueilli par la cheffe de service, car elle pensait que j’étais venu sur requête de l’employeur ou un représentant d’assurance. Une fois sorti d’affaire, il lui fallut quitter l’hôpital pour être en soins externes de longue durée. Pour son hébergement ses contacts syndicales avec L’EDF de la 3 Réunion fut précieux, ainsi que la bienveillance et la générosité du couple Clain, que j’avais eu l’occasion de visiter bien après.
La famille de Mr Bibi étant très pieuse, plusieurs initiatives pour des messes dédiées ou autres réunions de prières furent prises pour sa survie et son rétablissement dés les premiers jours après l’accident, surtout après le premier diagnostic à l’hôpital Candos. Aujourd’hui encore, bien des années après, cet épisode est encore dans la mémoire de tous et considéré comme un évènement miraculeux. Fort heureusement les deux autres blessés, moins gravement brulés, purent s’en sortir. Toutefois, les trois blessés ont eu des séquelles physiques à vie.
J’avais pris l’initiative de solliciter un rapport indépendant d’un expert de B.W.S.C pour une investigation approfondie des circonstances d’un accident aussi traumatisant, dès les premiers jours de l’évènement. En même temps, le Ministère du travail entreprit une enquête séparée pour déterminer les responsabilités dans un tel incident, et le CEB fut accusé de négligence et soumis à une procédure judiciaire en cour Intermédiaire présidée par le Magistrat Chan. Après une longue procédure, le CEB fut condamné à une amende. Ces deux éléments permirent aux blessés d’obtenir une compensation financière adéquate, et ils purent reprendre le service dans l’organisation dans des affectations diverses.
Je voudrais finalement consigner la bonne attitude de l’entreprise dans la gestion globale de cet accident de travail, en soulignant la bienveillance du Directeur Général, Monsieur Guptar, qui avait permis le transfert de Monsieur Bibi à la Réunion. Je mentionnerai également la contribution de tous les collègues du Département Production, qui ne se sont épargnés aucun effort pour l’aboutissement positif de cet événement malheureux.
Sur le plan technique, et après plus de trois décennies d’exploitation, le seul aléa technique d’importance majeur, fut la découverte de fissures importantes dans le bâti des deux premiers moteurs en 2013, après environ 120000 heures de fonctionnement. Il y avait à l’époque un fort lobby interne pour la concrétisation de la Centrale d’un producteur indépendant, C.T. Power, pour une Centrale Charbon à Albion, et certains cadres responsables avaient tentés d’utiliser cet alea, pour condamner ces deux moteurs à l’exploitation, sous prétexte de la sécurité du personnel. J’avais refusé de signer une recommandation au Conseil d’Administration dans ce sens, sollicitant de 4 SULZER, une procédure de réparation. La réparation fut un succès, et ces deux moteurs sont encore en service dix ans après ! 5 6